Cette série de quatre sous-marins se voulait une amélioration des OSETR, pour obtenir des croiseurs sous-marins. Ceci pour ne pas se contenter d'opérations côtières, mais pour disposer de submersibles capables d'aller porter le fer dans les eaux ennemies, à l'instar de l'Akula, de construction nationale. Mais la suite de l'histoire va montrer que les buts seront loin d'être atteints, du fait d'une part de l'incurie du concepteur qui finira par être écarté, d'autre part par les nombreux problèmes de mise au point. Et les sous-marins ne verront jamais le Pacifique !
Le 4 janvier 1905, le Comité Technique Maritime recommandait d'acquérir en urgence quatre unités de sous-marins permettant de s'en prendre aux navires de surface ennemis, pour la zone Pacifique.
Simon Lake, contacté, propose de construire en Russie six sous-marins selon un nouveau projet. D'un déplacement de 400 t en surface, ils devaient avoir une vitesse de 16 nds en surface, de 7 en plongée, une autonomie de 4000 N, à 8 nds avec quatre tubes lance-torpilles et deux canons de 47 mm. Le contrat pour quatre unités à construire en Baltique est approuvé par le Comité d'un montant de 2 000 000 US$. Il est signé le 1er avril de la même année, avec la livraison du premier le 1er juin 1906, les trois autres pour le 1er septembre. Ils n'arriveront qu'entre le 3 décembre 1909 et le 30 novembre 1911.
Ce contrat est très critiqué par l'ingénieur Bubnov, père des premiers sous-marins de conception russe. Il estime que les performances de vitesse et d'autonomie sont surestimées. Pour lui, la pénalité pour la non réalisation de vitesse est extrêmement défavorable au donneur d'ordre.
Au versement des premières arrhes d'environ 980 000 roubles, Lake ouvre un bureau d'études à Berlin et fait envoyer la documentation correspondante à Sankt Peterburg. Les matériaux provenaient de Russie et les équipements des USA. Le 3 juin 1905, Lake passe commande à la société W:m. Crichton & C:o Ab de Turku de quatre coques pour un montant de 520 000 roubles (Crichton loue pour 35 ans le chantier naval de l'Okhta à Saint Petersburg, depuis 1896). La première livraison ne devait pas être faite après le 10 novembre. Mais les remaniements de Lake font que ce n'est que le 30 juillet que la documentation définitive parvient au chantier. La première coque n'est mise sur cale que le 16 septembre.
A la suite de la lenteur des travaux, de la mauvaise qualité des dessins techniques, Lake est finalement écarté. Le 3 décembre 1909, après un accord avec le chantier, les travaux d'achèvement se poursuivent sous la supervision des commandants, aux frais du chantier.
Au cours des essais de 1910, une surcharge d'environ 12,5 tonnes apparaît. Le manque de flottabilité réel selon les données de plongée de la rade de Revel s'avère de 10,2 tonnes pour le Kaiman, de 12,8 tonnes pour le Krokodil et de 13,3 tonnes pour l'Alligator. Pour cette raison, ces submersibles ne pouvaient plonger avec une pleine réserve de carburant et d'équipement de combat. La quille extérieure, le poids du lest largable passe de 10 à 4,5 tonnes, le lest en plomb est supprimé et les roues et leur système de mise en oeuvre sont supprimées(environ 20 tonnes). Pour augmenter la flottabilité de 1,5 tonne, trois cylindres creux sont installés dans la poupe, du bois est ajouté à la superstructure, ce qui a permis de l'accroître d'environ 0,5 tonne. En conséquence, le submersible pouvait plonger avec un stock complet de torpilles et 8,6 tonnes d'essence dans le réservoir avant. L'autonomie de navigation à vitesse économique (8,5 nœuds) était de 720 milles, et à pleine vitesse (10,7 nœuds) de 250 milles seulement. Les réservoirs arrière (7 tonnes) n'étant pas utilisés et l'armement devant être renforcé, la question du rechargement se pose à nouveau.
Le temps de recharge des batteries annoncée en 5 heures ne peut être réalisé qu'en 12 heures.
Le 10 décembre 1910, le département armement du Comité Technique Naval décide de retirer 4 cylindres avant de chacun des moteurs 8 cylindres avec cadres et volants d'inertie. Des essais sur modèle ont montré que la puissance des 16 cylindres restants devait permettre d'atteindre une vitesse de 10,1 nœuds en surface, avec une perte de seulement 0,6 nœud. Mais en réalité la vitesse en surface passe à 8-9 nœuds, le temps de plongée est réduit à 5 minutes, mais il n'est pas possible d'éliminer en totalité les défauts de conception. Ainsi, les planches en bois de la superstructure gonflent sous l'effet de l'eau, se déforment, se fissurent au soleil, de l'eau pénètre dans les réservoirs du pont, et l'absorption d'eau par les planches de bois recouvrant la coque conduit à une perte de flottabilité en profondeur.
De l'avis de l'Etat Major Général de la Flotte, bon nombre des déficiences des sous-marins Kaiman étaient dues à une méthode d'achèvement "complètement erronée" sous la direction de leurs commandants, c'est-à-dire de personnes "complètement inaptes" à remplir de telles fonctions.
D'autres innombrables changements apportés aux dessins de travail modifièrent les sous-marins Kaiman à tel point que leur forme finale différait de façon frappante de la conception originale. Une superstructure légère en bois fut ajoutée à l'avant et une longue superstructure en acier derrière le massif pour accueillir une bouée de sauvetage, un embarcation à moteur, un grand silencieux. Les réservoirs de carburant sont déplacés de la superstructure en bois à la superstructure en acier, deux appareils à mines du système Dzerwiecki sont placés dans une niche à l'avant du massif. Sa vanne d'air est améliorée, ce qui permet d'utiliser des moteurs à essence en position semi-immergée ; une ancre et son guindeau refont leur apparition, un périscope pour le timonier est installé, la construction des écoutilles d'entrée et le système de ventilation sont améliorés. Une caisse de réglage est installée, ce qui permet de conserver une tenue en profondeur. De plus, la structure du massif et le panneau autour du kleptoscope sont modifiés, ce dernier étant surélevé. Enfin, l'appareillage de manoeuvre des barres de plongée est améliorée.
Les derniers essais revèlent une bonne manoeuvrabilité, une bonne stabilité de cap et un changement d'immersion aisé. Les ballasts de superstructure ont été remplis par deux pompes en 2,5 minutes maximum, vidés en 3 minutes et 20 secondes, celui du milieu en 40 secondes. Le passage de la position semi-immergée à la position de surface a pris 4 minutes. La distance franchissable en surface en allure économique (8,5 nœuds) atteignait 1050 N, en plongée à vitesse maximale (7 nœuds) - 21 N et en vitesse économique (5 - 5,8 nœuds) - 45 N. Les sous-marins pouvaient rester sans faire surface pendant vingt-quatre heures, mais les moteurs fumaient énormément, ce qui révélait leur présence. Bien que la vitesse en surface et l'autonomie ne répondent plus aux exigences de l'époque, le Comité Technique Naval propose de commander des moteurs Diesel pour remplacer les moteurs à essence. Quatre sont commandés à l'usine Ludwig Nobel. D'une puissance de 400 Cv, ils sont en fait une licence de la société Körting de Hanovre. Mais le début du 1er conflit mondial ne va pas permettre la livraison des premiers prévus pour les Kaiman et Krokodil, prévue pour l'automne 1914.
Avec toutes ces difficultés de mise au point, et tous ces atermoiements, les sous-marins sont loin des performances annoncées. Leur participation au premier conflit mondial, limité au théâtre de la Baltique, seront à la hauteur de ces mésaventures. Ils mèneront 58 missions de combat, avec 15 attaques notables. Le plus souvent dans les approches du golfe de Botnie. Ils ne resteront en service que pendant 5 ans en moyenne, leur retrait s'étalant de juillet à novembre 1916.
Les quatre unités sont saisies par les allemands à Revel le 25 février 1918 et transférées en Allemagne pour démantèlement.